Donkey

L'esprit de ce voyage

Le chemin de grande randonnée le plus célèbre en Corse est le GR20. Il traverse la Corse du Nord au Sud. C'est un bel itinéraire. Il est bien balisé à l'aide des célèbres marques rouges et blanches, donc il est impossible de se perdre, et on trouve des refuges à intervalles réguliers.

Cependant, le GR20 est victime de son propre succès - il est bondé, du moins en été. On a toutes les chances d'y croiser des marcheurs toutes les dix minutes et de passer chaque nuit au milieu d'un véritable camp indien. Je n'ai rien contre les gens, mais la solitude a quelque chose de magique. De plus, le GR20 évite les villages corses autant que possible, donc on n'y rencontre même pas les gens du pays - et cela signifie également qu'il faut porter une grande quantité de nourriture.

Aussi nous décidâmes de faire quelque chose de plus inhabituel. De suivre des sentiers méconnus ou même de marcher hors sentiers. De se donner quelques frissons en se lançant sans connaître a priori l'itinéraire ou les sources. D'éviter les autres marcheurs, mais de passer par les villages et de rencontrer leurs habitants. De dormir à la belle étoile, ou dans des bergeries abandonnées, plutôt que dans des camps bondés...

La première partie du voyage (jusqu'à la vallée du Tavignano) était conçue pour être facile, du moins en ce qui concerne l'orientation. La seconde partie était plus difficile, parce qu'elle empruntait des chemins qui semblaient avoir été oubliés il y a quelques dizaines d'années. Elle était aussi plus intéressante, parce que nous ne pouvions jamais être certains de trouver le chemin, pour peu qu'il y en eût un. Ce fut un succès: la randonnée fut formidable, et nous croisâmes très peu de marcheurs.

Ces documents contiennent assez de détails pour reconstituer notre voyage. Le but n'est pas de vous inciter à faire exactement le même chemin, mais de vous donner une idée des trésors et des pièges qui attendent le marcheur en Corse, de sorte qu'en piquant une idée de-ci, de-là, vous soyez à même d'imaginer votre propre voyage sauvage.

Vous devez être conscient qu'une telle marche est fatigante. Nous avons marché entre six et douze heures par jour. Cela peut également être dangereux. La Corse est renommée pour la facilité avec laquelle on se perd dans son maquis. L'eau peut se faire rare. Les forêts brûlent. Enfin, comme dans toute zone montagneuse, un accident peut arriver alors qu'on se trouve à des heures ou des jours de marche de tout secours. Tout ceci non pas pour vous décourager, mais pour être certain que vous êtes averti des risques. Si vous n'avez jamais randonné auparavant, essayez quelque chose de plus civilisé, par exemple le GR20.

L'hospitalité corse

On dit que les Corses sont fiers. C'est vrai. On dit parfois aussi qu'ils n'aiment pas les étrangers. Peut-être n'apprécient-ils pas de voir des dizaines de touristes s'entasser dans un hôtel de dix étages et se comporter comme sur la Côte d'Azur. Mais à chaque fois que nous sommes arrivés, à trois, dans un petit village au milieu de la montagne, nous avons été traités comme des amis.

A chaque fois que nous avons demandé à quelqu'un s'il connaissait un endroit où dormir, il nous a proposé son propre terrain. A chaque fois. La première fois, nous avons été surpris. La deuxième fois, nous avons souri. Ensuite c'est presque devenu une habitude et nous avions un peu honte de poser la question, car nous connaissions déjà la réponse. Cela nous a réellement aidé à nous sentir chez nous n'importe où en Corse. En ce qui nous concerne, l'hospitalité corse a été sans faille.

Les gens nous également aidés à trouver notre chemin, ou nous ont proposé de l'eau. Nous avons parlé avec des villageois et avec des bergers. Les gens prennent le temps de parler avec des inconnus - une habitude largement oubliée à Paris.

Il y a eu beaucoup d'attentats en Corse, surtout depuis l'été 1996, date à laquelle les pourparlers secrets avec le gouvernement ont été rompus. Cependant, la plupart du temps, les terroristes font sauter des bâtiments gouvernementaux pendant la nuit, ou des établissements touristiques pendant l'hiver. Il n'y a pratiquement jamais eu de victimes. On doit préciser que les séparatistes représentent une petite partie de la population. La plupart des gens, nous sembla-t-il, se disaient opposés à leurs actions. Bien sûr, cette situation est loin d'être idéale, mais il me semble que la randonnée dans l'intérieur des terres ne pose pas de danger. Espérons que la paix reviendra le plus vite possible.